Les dendrogrammes sont des figures arborescentes, comme peut l’être par exemple une généalogie ; ils unissent des taxons afin de montrer leurs relations phylogénétiques. Ces arbres dont la construction dépend des critères choisis devront, dans tous les cas, représenter une histoire évolutive.

Soit les dendrogrammes révèlent des niveaux ou paliers évolutifs (les grades) qui se sont succédé dans le temps (par exemple : organismes unicellulaires, puis organismes coloniaux dont les cellules sont toutes identiques, enfin organismes pluricellulaires dont les cellules sont spécialisées) ; dans ce cas, leur détermination est avant tout subjective.

Soit leur construction reflète des apparentements (les clades) ; leur détermination est donc plus objective, plus rigoureuse et, par conséquent, moins sujette à caution. Le temps permet d’appréhender la vitesse de l’évolution qui est loin d’être uniforme, mais il n’est pas nécessaire à la détermination des  grades comme des clades.

Le dendrogramme est une figure arborescente. Si, dans sa construction, l’on introduit l’hypothèse que les ressemblances sont le reflet d’une relation de parenté, le dendrogramme est généalogique ; si l’on introduit celle que les ressemblances évoluent au cours du temps, le dendrogramme est phylogénétique. Les dendrogrammes retenus dans cette section mettent en évidence des ressemblances entre différents taxons.

L’objectif de recherche est souvent double ; dans un premier temps, il s’agit de mettre en évidence sur un schéma synthétique (le dendrogramme) les relations généalogiques ou évolutives entre plusieurs taxons ; dans un second temps, d’apprécier leur degré de divergence. Ce dernier est estimé en fonction soit du temps qui sépare les taxons, soit des différences génétiques, moléculaires ou autres accumulées entre ces mêmes taxons.

Les constructions phylogénétiques sont bâties principalement à partir de l’anatomie comparée, l’ontogénie et la paléontologie.

L’anatomie comparée a pour objectif de rechercher les homologies en utilisant, par exemple, le principe de subordination des caractères de B. de Jussieu ( les caractères constants sont plus importants que les caractères inconstants), ou encore celui des connexions de É. Geoffroy Saint-Hilaire (voir la section précédente) : quelles que soient leur forme, leur taille ou leur fonction, des organes sont reconnus homologues s’ils possèdent les mêmes connexions avec d’autres organes.

L’ontogénie utilise le principe de récapitulation (loi biogénétique fondamentale) de E. Haeckel, mais reformulé par Gareth Nelson (1973) : lorsque l’on peut suivre la transformation d’un caractère d’un état général vers un état plus spécialisé, le caractère le plus général est le plus ancien, le moins général est le plus récent, dérivé du premier. La règle de G. Nelson, qui n’est pas sans rappeler les deux premières règles de K. E. von Baer, est une hypothèse de travail et non une loi.

La paléontologie fournit des arguments morphologiques, mais aussi des arguments chronologiques.

À ces données traditionnelles s’ajoutent aujourd’hui celles de la biologie moléculaire : séquençages des protéines, de l’ADN, de l’ARN, hybridation de l’ADN.

 

L’unité de base de la construction phylogénétique est très souvent l’espèce, puisqu’elle est un groupe génétique fermé : l’interfertilité existe uniquement entre ses membres. Mais certains auteurs rejettent cet usage de l’espèce, car leurs travaux concernent des populations plus que des espèces entières : sous-espèces et espèces sont alors confondues. Pour éviter l’emploi du mot « espèce », les taxons sont qualifiés d’unités évolutives (UE), d’unités évolutives hypothétiques (UEH) s’ils sont de pures constructions fictives, ou encore d’unités taxinomiques opérationnelles (UTO ou OTU dans la terminologie anglo-saxonne). Les taxons sont parfois de niveau supraspécifique ; dans ce cas, ils doivent appartenir à une même lignée phylétique (lignée monophylétique) pour demeurer comparables.

Les arbres sont composés de deux régions : les noeuds où sont placés les taxons qui sont souvent des UEH, car on ne connaît pas les formes fossiles, et les branches qui indiquent le degré de parenté des différents taxons. La longueur des branches est proportionnelle au temps ou bien aux différences entre taxons (fig. 2.15). À leurs extrémités figurent les taxons terminaux qui sont des UE.

Si l’arbre est enraciné (fig. 2.15-A), la racine représente l’ancêtre commun et il précise alors les relations évolutives des différents taxons présents. Mais l’arbre est souvent dépourvu de racines (fig. 2.15-B) : il rend compte uniquement des relations de parenté, sans que l’on puisse savoir comment l’évolution passe d’un taxon à l’autre. Cependant un arbre peut être enraciné si on le construit avec un taxon extérieur au groupe, UE extra-groupe, qui sera la référence pour estimer les degrés de ressemblance entre les taxons étudiés. Il est nécessaire de connaître précisément les données taxinomiques ou paléontologiques de cette UE extra-groupe ; il faut, en effet, être sûr qu’elle a divergé bien avant l’ancêtre commun aux UE considérées (fig. 2.15-A). Lorsque l’on dispose d’un certain nombre d’UE dont on veut établir la parenté, le nombre théorique d’arbres possibles augmente très rapidement :

 

– avec n unités (UE) et si l’arbre est enraciné, il y a N1 arbres théoriques, soit :

N1 = (2n – 3) ! : 2 n-2 (n – 2) !

– avec n unités (UE) et si l’arbre n’est pas enraciné, il y a N2 arbres possibles, soit :

N2 = (2n – 5) ! : 2 n-2 (n – 2) !

 

Si n = 10, N1 est égal à 35.106 et N2 à 2.106 ; la formule exprime les incertitudes pour déterminer l’arbre exact parmi plusieurs millions. Un exemple sera donné à propos de l’émergence de l’Homme moderne à la section 4.4.3 : « Le modèle unirégional ou monocentrique, discussion ».

Les classifications phylogénétiques utilisent abondamment le critère d’homologie. Les ressemblances sans lien de parenté sont des homoplasies parmi lesquelles on distingue les convergences (ressemblances adaptatives) et les réversions, brusque apparition d’un caractère rappelant un caractère ancestral. Un caractère ancestral est plésiomorphe ; un caractère dérivé est apomorphe.

 

Parmi les quatre méthodes principales – phénétique, cladistique, probabiliste et de compatibilité -, seules seront évoquées les deux premières, car ce sont les plus fréquentes.

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